La Grande Vague de Kanagawa
tiré de la Collection Trente-six
vues du Mont Fuji
1830-31

de Katsushika Hokusai
UT La Grande Vague de Kanagawa
tiré de la Collection
Ukiyo-e Archive UT 2023
de chez UNIQLO

Boston, Ukiyo-e et UT

Aujourd’hui, l’ukiyo-e jouit d’une renommée internationale en tant qu’expression emblématique de l’art japonais. Une large collection de ces estampes se trouve au Musée des Beaux-Arts de Boston, où un groupe de conservateurs américains et japonais s’attache à préserver l’héritage de ces œuvres originales.

Musée des Beaux-Arts de Boston

Le Musée des Beaux-Arts de Boston a été fondé en 1870 par des dirigeants d’entreprise et des notables de la ville. Il a ouvert officiellement ses portes en 1876. À vocation privée et à but non lucratif à l’origine, le musée a commencé par réunir une collection d’œuvres d’art provenant de donations privées, et s’est développé depuis sans l’aide de subventions publiques. Abritant des chefs-d’œuvre du monde entier, il demeure aujourd’hui une destination de renommée internationale pour l’art japonais.

465 Huntington Avenue, Boston, Massachusetts.

OUVERT les samedi, lundi et mercredi de 10h00 à 17h00, les jeudi et vendredi jusqu’à 22h00. FERMÉ le mardi.

La Grande Vague de Kanagawa
tiré de la Collection Trente-six
vues du Mont Fuji
1830-31
de Katsushika Hokusai
UT La Grande Vague de Kanagawa
tiré de la Collection
Ukiyo-e Archive UT 2023
de chez UNIQLO

Hokusai, Hiroshige, Utamaro, Kuniyoshi, Sharaku... les estampes ukiyo-e créées autrefois par ces maîtres artistes sont encore célébrées aujourd’hui pour leurs représentations fidèles de la société Edo d’antan. Mode d’expression populaire ancré dans le quotidien des gens de l’époque, l’ukiyo-e est d’abord arrivé en Europe sous une forme insolite : il servait alors à emballer les céramiques exportées du Japon, et n’avait encore aucune valeur marchande. À la fin du XIXe siècle, un engouement pour l’art et l’artisanat japonais, qu’on a appelé le « japonisme », a rayonné depuis Paris, influençant alors des artistes renommés comme Monet et van Gogh, et donnant à ce genre de motif altéré par le temps un nouveau cachet culturel... du moins, c’est ce que dit la légende.

Ce que l’on sait moins, c’est qu’au moment où l’ukiyo-e se faisait connaître en Europe, le Musée des Beaux-Arts de Boston avait déjà amassé une collection de dizaines de milliers d’estampes de ce genre. Cette collection a été le fruit d’un grand tour d’horizon de l’histoire de l’art japonais, non moins rocambolesque que la légende qui l’a précédé.

Le Fuji par temps clair ou « Fuji rouge », tiré de la Collection Trente-six vues du Mont Fuji

1830-1831
par Katsushika Hokusai

L’œuvre intitulée « Fine Wind, Clear Weather » (Le Fuji par temps clair), également connue sous le nom « Red Fuji » (Fuji rouge), est un chef-d’œuvre de Katsushika Hokusai. Les deux exemplaires de l’estampe, conservés dans la collection Spaulding du Musée des Beaux-Arts de Boston, présentent des différences de tons et d’ombres qui résultant du procédé d’impression sur bois.

Située dans le Massachusetts, sur la Côte est des États-Unis, Boston est l’une des plus anciennes villes américaines. Elle fut fondée en 1630 par des puritains britanniques émigrés d’Angleterre. Avec des universités aussi célèbres que Harvard ou le MIT, sur l’autre rive du Charles River, Boston abrite le Musée des Beaux-Arts de Boston, qui a ouvert ses portes à Copley Square en 1876, le jour même de la commémoration de l’Independence Day. L’expansion de ses collections au fil des ans a nécessité son déménagement, en 1909, sur le site actuel de l’avenue Huntington. Même si le musée a subi quelques rénovations et agrandissements un siècle plus tard, des aperçus du bâtiment original de l’époque sont encore visibles à ce jour. Plus d’un million de personnes du monde entier s’y rendent chaque année.

Le Musée des Beaux-Arts de Boston est aujourd’hui l’un des plus anciens musées des États-Unis. Il détient plus de cent mille œuvres d’art japonais, non seulement des ukiyo-e mais également des objets d’art bouddhique et des peintures de l’école Kano. Sa collection, qui représente à ce jour le plus bel et le plus grand assortiment d’art japonais en dehors du Japon, comprend plusieurs œuvres qui, si elles n’avaient pas traversé les océans, figureraient aujourd’hui au patrimoine culturel du Japon et seraient classés parmi ses trésors nationaux. La première de ces collections a été réunie par trois américains, qui ont séjourné au Japon dans les années 1870 et 1880 – Edward S. Morse, Ernest Fenollosa et William S. Bigelow – et par un de leurs partenaires japonais, Tenshin Okakura.

Photographie de Tenshin Okakura, accueilli en 1904 par le Département d’art japonais et chinois du Musée des Beaux-Arts de Boston.

Le Fuji par temps clair ou « Fuji rouge », tiré de la Collection Trente-six vues du Mont Fuji

1830-1831
par Katsushika Hokusai

L’œuvre intitulée « Fine Wind, Clear Weather » (Le Fuji par temps clair), également connue sous le nom « Red Fuji » (Fuji rouge), est un chef-d’œuvre de Katsushika Hokusai. Les deux exemplaires de l’estampe, conservés dans la collection Spaulding du Musée des Beaux-Arts de Boston, présentent des différences de tons et d’ombres qui résultant du procédé d’impression sur bois.

Ce jardin en rocaille japonais, créé en 1988 au Musée des Beaux-Arts de Boston, a été baptisé « Tenshin-en ». Il est orné de lanternes et de tours en pierre importées aux États-Unis par Okakura lui-même.

Morse, qui a été le premier à se rendre au Japon en 1877, y est également connu là-bas pour avoir découvert les tumulus de coquillages d’Omori. On l’a d’ailleurs surnommé « le père de l’archéologie japonaise », bien qu’il ait reçu une formation de zoologiste et qu’il soit venu au Japon à l’origine pour y conduire des recherches et enseigner à l’Université impériale de Tokyo. Depuis la restauration du régime Meiji, le gouvernement japonais avait souhaité engager une modernisation rapide du pays. C’est dans ce contexte que des experts étrangers, industriels et universitaires, venus d’Europe et d’Amérique du Nord, ont été invités au Japon en tant que consultants. Morse, qui se trouvait parmi eux, nourrissait une curiosité sans failles pour cette nation insulaire du Soleil Levant. Au cours de ses trois visites au Japon, il a mené des recherches à travers tout le pays, recueillant au passage des céramiques et des objets traditionnels de la vie quotidienne. Sa collection personnelle, comptant plus de cinq mille pièces de céramiques, a été vendue au Musée des Beaux-Arts de Boston en 1892.

Un échantillon des blocs utilisés pour l’impression de Toto shokei Ichiran, Sumidagawa Ryogan Ichiran et Azuma Asobi, trois ouvrages de poésie d’Hokusai figurant parmi la collection du Musée. Ces ouvrages sont extrêmement rares. Ils sont composés de blocs de bois pour chaque page.

C’est Morse qui a présenté l’Université impériale de Tokyo à un jeune chercheur en philosophie, nommé Ernest Fenollosa. Peu de temps après avoir obtenu son diplôme de Harvard en 1878, ce dernier s’est rendu au Japon pour y enseigner l’économie politique et la philosophie. Ancien élève de l’école du Musée des Beaux-Arts, il tomba à son tour sous le charme de l’art populaire japonais, et surtout de l’art bouddhique, qu’il commença à collectionner et dont il entreprit l’étude.

Fenollosa était encore au Japon à l’époque où le pays a commencé à se désintéresser de son patrimoine artistique national, préférant se tourner à l’époque vers l’art d’inspiration occidentale. Dans le contexte politique d’alors qui visait à abolir le bouddhisme, le Japon a procédé à la destruction des statues et des peintures bouddhiques, précieusement conservées dans les temples du pays. Témoin de cette crise politique et culturelle, Fenollosa concentra tous ses efforts à tenter de préserver la culture japonaise, dans l’espoir d’inciter la nation à suivre son exemple. En 1880, il fit le tour des temples religieux de Kyoto et de Nara, accompagné de Okakura, son élève de l’époque qui lui servait d’interprète, et donna des conférences sur la préservation de l’art à travers tout le Japon. En 1885, Fenollosa fut nommé secrétaire général du département des arts au ministère de l’Éducation et repartit avec Okakura pour un nouveau pèlerinage, cette fois à la recherche de trésors cachés pour entretenir les temples.

Un échantillon des blocs utilisés pour l’impression de Toto shokei Ichiran, Sumidagawa Ryogan Ichiran et Azuma Asobi, trois ouvrages de poésie d’Hokusai figurant parmi la collection du Musée. Ces ouvrages sont extrêmement rares. Ils sont composés de blocs de bois pour chaque page.

On peut aisément imaginer les défis auxquels Fenollosa, qui était un étranger au Japon, a été confronté à l’époque en conduisant des recherches sur l’art japonais. Ce qui a permis cet exploit, c’est sa passion pour l’Orient et ses relations étroites avec Okakura et d’autres contacts qu’il a pu nouer au Japon. Fenollosa a eu l’occasion d’étudier la peinture aux côtés de Kano Eitoku Tatsunobu, ainsi que le théâtre nô grâce à Umewaka Minoru I, cultivant ainsi un œil averti pour l’art japonais. Il a finalement vendu la majeure partie de sa collection privée à un médecin, Charles G. Weld, qui a fini par en faire don au Musée des Beaux-Arts de Boston. En 1890, Fenollosa rentra aux États-Unis pour accepter le poste de conservateur du nouveau département d’art japonais, devenu plus tard le Département de l’art asiatique.

Bigelow, qui a obtenu un diplôme de médecine à Harvard, a été tellement impressionné par l’exposé de Morse au cours d’une conférence sur le Japon qu’il s’y est rendu lui-même en 1882. Il rejoignit alors l’équipe composée de Fenollosa, d’Okakura et d’un petit nombre de partenaires japonais, pour prendre part à une collecte d’objets d’art dirigée par Morse. C’est au Japon qu’il a acquis des épées et des objets traditionnels en laque, destinés à rejoindre sa collection personnelle. Par la suite, il s’éprit du Pays du Soleil Levant où il résida jusqu’en 1889, à l’exception de brefs voyages aux États-Unis. Bigelow nourrissait une véritable passion pour la culture japonaise, en particulier pour sa cuisine locale et pour le style traditionnel de l’époque. Il se convertit même au bouddhisme. Grand défenseur de l’art japonais, il a puisé dans la fortune personnelle, amassée par sa famille grâce au commerce, pour financer le travail de peintres japonais comme Kano Hogai et Hashimoto Gaho. Il a également financé la restauration d’objets anciens recueillis au temple Horyuji à Nara.

Le Musée des Beaux-Arts de Boston dispose aujourd’hui de conservateurs, passés experts dans la préservation et la conservation d’estampes ukiyo-e. S’il est techniquement impossible d’inverser leur processus de décoloration, ces experts s’attachent à réparer les accrocs ou les dommages causés par le temps. C’est à l’aide d’un scalpel que de minuscules pièces de retouche, découpées dans du papier washi puis colorées, sont appliquées avec le plus grand soin pour combler discrètement les parties rongées des insectes.

Parmi les œuvres d’art acquises par Bigelow au Japon, on peut souligner notamment les estampes ukiyo-e, dont la plupart ont ensuite été données au Musée des Beaux-Arts de Boston. Contrairement à Fenollosa, qui ne s’intéressait guère aux ukiyo-e, Bigelow mit un point d’honneur à en collectionner le plus grand nombre, au point de faire don de plus de 30 000 gravures sur bois et de 700 peintures au Musée des Beaux-Arts de Boston. Après son retour aux États-Unis, il fut nommé administrateur du musée, fonction qu’il occupa pendant plus de trente ans.

Ces donations privées ont permis au musée d’enrichir rapidement sa collection d’art japonais. Mais quand Fenollosa démissionna de ses fonctions en 1896, il laissa cette collection orpheline, faute de conservateur qualifié pour s’en occuper. Après une brève période de flottement, Bigelow usa de son intervention pour demander au musée d’engager Okakura. Dans le cadre de ses nouvelles fonctions, Okakura fit des allers-retours entre le Japon et les États-Unis pour s’assurer de l’authenticité des œuvres.

« Si l’on compte les pièces offertes au musée par Bigelow, nous disposons aujourd’hui d’une collection composée d’environ 50 000 estampes ukiyo-e. Ce qui nous distingue des autres musées, c’est qu’un grand nombre des œuvres historiquement importantes que nous détenons sont en superbe état », explique Sarah E. Thompson, Conservatrice d’art japonais au Département d’art asiatique du Musée des Beaux-Arts de Boston.

Pour un certain nombre de ces gravures sur bois, le musée recèle de plusieurs tirages de ces pièces exceptionnelles. Des centaines, voire des milliers de ces nishiki-e (gravures sur bois, parées de différentes couleurs) ont été produites en plusieurs exemplaires, chacun d’eux présentant de subtiles variations de couleur. L’impression des estampes finit à la longue par user les blocs de bois utilisés, laissant de minuscules traces caractéristiques de ce phénomène d’usure, jusqu’à ce que le bloc soit devenu inutilisable. On estime ainsi que la première série d’impressions, qui porte sur les 200 premiers exemplaires, produit la meilleure qualité d’estampes, c’est-à-dire la plus proche de la vision de l’artiste. Au-delà, les impressions commencent à présenter des imperfections, voire des incohérences, engendrées par l’usure naturelle des blocs. Pour illustrer ce phénomène, Sarah E. Thompson nous a montré deux tirages différents du « Fuji rouge » (tiré de la Collection Trente-six vues du Mont Fuji ), une série d’œuvres populaires d’Hokusai qui a été tirée à de nombreux exemplaires. La collection de ces estampes est organisée en fonction de leur degré de granularité, qui donne des informations sur le processus de vieillissement des blocs ayant servi à leur impression.

Sarah Thompson, conservatrice du Musée, nous montre de plus près un bloc original ayant servi à imprimer une estampe de l’artiste Hokusai.

« Il existe encore à travers le monde environ 200 tirages de cette œuvre d’Hokusai La Grande Vague de Kanagawa , dont sept sont conservés ici au Musée de Boston. Deux d’entre elles ont été données il y a une centaine d’années par les frères Spaulding, de riches collectionneurs, qui ont également fait don de plus de 6 000 estampes ukiyo-e. Pour assurer la pérennité de leur étonnante collection, qui comprend notamment plus de 2 000 estampes d’Utagawa Hiroshige I, les deux frères ont posé comme condition qu’aucune de ces œuvres ne devait être exposée au public ».

Les ukiyo-e étant imprimés sur du papier washi au moyen de colorants naturels d’origine végétale, ils sont extrêmement sensibles à la lumière et à l’humidité qui peuvent ternir ou modifier leurs couleurs originales. La fragilité du papier l’expose également au phénomène de décoloration, aux taches et aux déchirures. Le musée recherche en permanence des impressions de grande qualité, tout en préservant et en conservant les impressions de sa collection actuelle.

« Voici quelque chose que vous ne trouverez nulle part ailleurs », nous lance la conservatrice, Sarah Thompson, en nous conduisant vers une réserve du musée. Nous apercevons effectivement dans cette pièce un jeu de blocs de bois originaux qui ont été utilisés pour imprimer le Sumidagawa ryogan ichiran, un ouvrage de poésie de Hokusai. Les ukiyo-e étant essentiellement des supports de communication destinés à transmettre des idées fugitives, ils ont été traités à travers les âges comme des objets éphémères. Les blocs de bois utilisés pour leur impression ont subi pour la plupart un sort moins enviable, car certains ont été détruits durant le gigantesque tremblement de terre de Kanto ou durant les bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Il en reste encore quelques-uns au Japon. Ces pièces uniques sont devenues extrêmement rares. Elles font partie des nombreux objets légués par Bigelow au musée. Ces blocs de bois ont été identifiés pour la première fois dans les années 1980. Ils ont été retrouvés dans la réserve d’un musée. Cette découverte exceptionnelle a été l’occasion d’une exposition inédite au Japon, intitulée « retour au pays », pour l’organisation de laquelle des imprimeurs japonais les ont utilisés pour sortir une toute nouvelle édition de cet ouvrage.

Atelier d’encadrement. Le papier washi, utilisé pour imprimer les estampes ukiyo-e, est tellement fragile qu’il doit être encadré avec le plus grand soin.

« Notre collection actuelle d’ukiyo-e témoigne de notre relation profonde entre le Musée de Boston et le Japon », déclare Debra LaKind, Directrice en chef de la propriété intellectuelle et du développement commercial.

« Les ukiyo-e sont des objets iconiques et ils sont encore très largement populaires à ce jour. Au printemps, nous présenterons une exposition intitulée Hokusai : inspirations et influences, qui mettra l’accent sur l’empreinte créative de Hokusai sur l’art international. Notre partenariat de longue date avec UNIQLO fait partie de nos liens durables entre notre musée et la culture japonaise. Les chemises UT, qui sont imprimées avec des graphiques issus d’auteurs comme Hokusai, Hiroshige et Kuniyoshi, sont devenues des articles incontournables dans notre boutique de souvenirs ».

Plus de 140 ans se sont écoulés depuis l’apogée de précurseurs tels que Morse, Fenollosa, Bigelow et Okakura. Leur dévotion passionnée pour l’art japonais a transcendé les seules frontières du Pays du Soleil Levant. Ce sentiment largement partagé perdure encore aujourd’hui à travers les collections du Musée des Beaux-Arts de Boston, où ces œuvres sont précieusement conservées.

La boutique du musée propose divers articles inspirés des estampes ukiyo-e, notamment des chemises UT, ce qui témoigne de la popularité de cette forme d’art.

On peut aisément imaginer les défis auxquels Fenollosa, qui était un étranger au Japon, a été confronté à l’époque en conduisant des recherches sur l’art japonais. Ce qui a permis cet exploit, c’est sa passion pour l’Orient et ses relations étroites avec Okakura et d’autres contacts qu’il a pu nouer au Japon. Fenollosa a eu l’occasion d’étudier la peinture aux côtés de Kano Eitoku Tatsunobu, ainsi que le théâtre nô grâce à Umewaka Minoru I, cultivant ainsi un œil averti pour l’art japonais. Il a finalement vendu la majeure partie de sa collection privée à un médecin, Charles G. Weld, qui a fini par en faire don au Musée des Beaux-Arts de Boston. En 1890, Fenollosa rentra aux États-Unis pour accepter le poste de conservateur du nouveau département d’art japonais, devenu plus tard le Département de l’art asiatique.

Bigelow, qui a obtenu un diplôme de médecine à Harvard, a été tellement impressionné par l’exposé de Morse au cours d’une conférence sur le Japon qu’il s’y est rendu lui-même en 1882. Il rejoignit alors l’équipe composée de Fenollosa, d’Okakura et d’un petit nombre de partenaires japonais, pour prendre part à une collecte d’objets d’art dirigée par Morse. C’est au Japon qu’il a acquis des épées et des objets traditionnels en laque, destinés à rejoindre sa collection personnelle. Par la suite, il s’éprit du Pays du Soleil Levant où il résida jusqu’en 1889, à l’exception de brefs voyages aux États-Unis. Bigelow nourrissait une véritable passion pour la culture japonaise, en particulier pour sa cuisine locale et pour le style traditionnel de l’époque. Il se convertit même au bouddhisme. Grand défenseur de l’art japonais, il a puisé dans la fortune personnelle, amassée par sa famille grâce au commerce, pour financer le travail de peintres japonais comme Kano Hogai et Hashimoto Gaho. Il a également financé la restauration d’objets anciens recueillis au temple Horyuji à Nara.

Sarah Thompson, conservatrice du Musée, nous montre de plus près un bloc original ayant servi à imprimer une estampe de l’artiste Hokusai.

« Il existe encore à travers le monde environ 200 tirages de cette œuvre d’Hokusai La Grande Vague de Kanagawa , dont sept sont conservés ici au Musée de Boston. Deux d’entre elles ont été données il y a une centaine d’années par les frères Spaulding, de riches collectionneurs, qui ont également fait don de plus de 6 000 estampes ukiyo-e. Pour assurer la pérennité de leur étonnante collection, qui comprend notamment plus de 2 000 estampes d’Utagawa Hiroshige I, les deux frères ont posé comme condition qu’aucune de ces œuvres ne devait être exposée au public ».

Les ukiyo-e étant imprimés sur du papier washi au moyen de colorants naturels d’origine végétale, ils sont extrêmement sensibles à la lumière et à l’humidité qui peuvent ternir ou modifier leurs couleurs originales. La fragilité du papier l’expose également au phénomène de décoloration, aux taches et aux déchirures. Le musée recherche en permanence des impressions de grande qualité, tout en préservant et en conservant les impressions de sa collection actuelle.

« Voici quelque chose que vous ne trouverez nulle part ailleurs », nous lance la conservatrice, Sarah Thompson, en nous conduisant vers une réserve du musée. Nous apercevons effectivement dans cette pièce un jeu de blocs de bois originaux qui ont été utilisés pour imprimer le Sumidagawa ryogan ichiran, un ouvrage de poésie de Hokusai. Les ukiyo-e étant essentiellement des supports de communication destinés à transmettre des idées fugitives, ils ont été traités à travers les âges comme des objets éphémères. Les blocs de bois utilisés pour leur impression ont subi pour la plupart un sort moins enviable, car certains ont été détruits durant le gigantesque tremblement de terre de Kanto ou durant les bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Il en reste encore quelques-uns au Japon. Ces pièces uniques sont devenues extrêmement rares. Elles font partie des nombreux objets légués par Bigelow au musée. Ces blocs de bois ont été identifiés pour la première fois dans les années 1980. Ils ont été retrouvés dans la réserve d’un musée. Cette découverte exceptionnelle a été l’occasion d’une exposition inédite au Japon, intitulée « retour au pays », pour l’organisation de laquelle des imprimeurs japonais les ont utilisés pour sortir une toute nouvelle édition de cet ouvrage.

« Notre collection actuelle d’ukiyo-e témoigne de notre relation profonde entre le Musée de Boston et le Japon », déclare Debra LaKind, Directrice en chef de la propriété intellectuelle et du développement commercial.

« Les ukiyo-e sont des objets iconiques et ils sont encore très largement populaires à ce jour. Au printemps, nous présenterons une exposition intitulée Hokusai : inspirations et influences, qui mettra l’accent sur l’empreinte créative de Hokusai sur l’art international. Notre partenariat de longue date avec UNIQLO fait partie de nos liens durables entre notre musée et la culture japonaise. Les chemises UT, qui sont imprimées avec des graphiques issus d’auteurs comme Hokusai, Hiroshige et Kuniyoshi, sont devenues des articles incontournables dans notre boutique de souvenirs ».

Plus de 140 ans se sont écoulés depuis l’apogée de précurseurs tels que Morse, Fenollosa, Bigelow et Okakura. Leur dévotion passionnée pour l’art japonais a transcendé les seules frontières du Pays du Soleil Levant. Ce sentiment largement partagé perdure encore aujourd’hui à travers les collections du Musée des Beaux-Arts de Boston, où ces œuvres sont précieusement conservées.

Le Musée des Beaux-Arts de Boston dispose aujourd’hui de conservateurs, passés experts dans la préservation et la conservation d’estampes ukiyo-e. S’il est techniquement impossible d’inverser leur processus de décoloration, ces experts s’attachent à réparer les accrocs ou les dommages causés par le temps. C’est à l’aide d’un scalpel que de minuscules pièces de retouche, découpées dans du papier washi puis colorées, sont appliquées avec le plus grand soin pour combler discrètement les parties rongées des insectes.

Parmi les œuvres d’art acquises par Bigelow au Japon, on peut souligner notamment les estampes ukiyo-e, dont la plupart ont ensuite été données au Musée des Beaux-Arts de Boston. Contrairement à Fenollosa, qui ne s’intéressait guère aux ukiyo-e, Bigelow mit un point d’honneur à en collectionner le plus grand nombre, au point de faire don de plus de 30 000 gravures sur bois et de 700 peintures au Musée des Beaux-Arts de Boston. Après son retour aux États-Unis, il fut nommé administrateur du musée, fonction qu’il occupa pendant plus de trente ans.

Ces donations privées ont permis au musée d’enrichir rapidement sa collection d’art japonais. Mais quand Fenollosa démissionna de ses fonctions en 1896, il laissa cette collection orpheline, faute de conservateur qualifié pour s’en occuper. Après une brève période de flottement, Bigelow usa de son intervention pour demander au musée d’engager Okakura. Dans le cadre de ses nouvelles fonctions, Okakura fit des allers-retours entre le Japon et les États-Unis pour s’assurer de l’authenticité des œuvres.

« Si l’on compte les pièces offertes au musée par Bigelow, nous disposons aujourd’hui d’une collection composée d’environ 50 000 estampes ukiyo-e. Ce qui nous distingue des autres musées, c’est qu’un grand nombre des œuvres historiquement importantes que nous détenons sont en superbe état », explique Sarah E. Thompson, Conservatrice d’art japonais au Département d’art asiatique du Musée des Beaux-Arts de Boston.

Pour un certain nombre de ces gravures sur bois, le musée recèle de plusieurs tirages de ces pièces exceptionnelles. Des centaines, voire des milliers de ces nishiki-e (gravures sur bois, parées de différentes couleurs) ont été produites en plusieurs exemplaires, chacun d’eux présentant de subtiles variations de couleur. L’impression des estampes finit à la longue par user les blocs de bois utilisés, laissant de minuscules traces caractéristiques de ce phénomène d’usure, jusqu’à ce que le bloc soit devenu inutilisable. On estime ainsi que la première série d’impressions, qui porte sur les 200 premiers exemplaires, produit la meilleure qualité d’estampes, c’est-à-dire la plus proche de la vision de l’artiste. Au-delà, les impressions commencent à présenter des imperfections, voire des incohérences, engendrées par l’usure naturelle des blocs. Pour illustrer ce phénomène, Sarah E. Thompson nous a montré deux tirages différents du « Fuji rouge » (tiré de la Collection Trente-six vues du Mont Fuji ), une série d’œuvres populaires d’Hokusai qui a été tirée à de nombreux exemplaires. La collection de ces estampes est organisée en fonction de leur degré de granularité, qui donne des informations sur le processus de vieillissement des blocs ayant servi à leur impression.

Atelier d’encadrement. Le papier washi, utilisé pour imprimer les estampes ukiyo-e, est tellement fragile qu’il doit être encadré avec le plus grand soin.

La boutique du musée propose divers articles inspirés des estampes ukiyo-e, notamment des chemises UT, ce qui témoigne de la popularité de cette forme d’art.

Historique du Musée des Beaux-Arts de Boston

1876
Ouverture au public le 4 juillet.
1877
Edward S. Morse se rend pour la première fois au Japon. Il revient avec des céramiques et des objets traditionnels de l’époque.
1878
Ernest Fenollosa se rend à son tour au Japon. Il commence à collectionner des peintures et des statues bouddhiques.
18821889
William S. Bigelow effectue un voyage au Japon. Il collectionne de nombreuses pièces d’art japonais, notamment des sabres et des ukiyo-e.
1885
Fenollosa et Okakura sont nommés secrétaires du Département artistique du ministère de l’Éducation. Ils se lancent l’année suivante dans des recherches sur les anciens temples et sanctuaires.
1890
Fenollosa rentre de son voyage d’études sur l’art traditionnel japonais et devient conservateur du Département d’art japonais.
1891
Bigelow est nommé administrateur du Musée des Beaux-Arts de Boston.
18921893
Fenollosa organise « Hokusai et l’école hokusaïenne » , la première exposition internationale consacrée à l’artiste Hokusai.
1904
Sur la recommandation de Bigelow, Tenshin Okakura est recruté comme conseiller au Département de l’art japonais, où il travaille à l’inventaire et au catalogage de la collection, avant de devenir conservateur.
1988
Tenshin-en, un jardin en rocaille de style japonais, orné de lanternes et de tours en pierre importées aux États-Unis par Okakura, ouvre côté du musée.
2017
Le Musée des Beaux-Arts de Boston et UNIQLO débutent un partenariat de dix ans, destiné à promouvoir l’art et la culture japonais, en lançant la première ligne de chemises UT, imprimées de motifs ukiyo-e ou inspirées de l’art japonais issu de la collection du musée.
2018
Le Musée des Beaux-Arts de Boston et UNIQLO accueillent l’édition inaugurale du Festival du film japonais.
2023
UNIQLO et le Musée des Beaux-Arts de Boston s'associent pour organiser l’exposition « Hokusai : Inspiration and Influence » , qui sera présentée du 26 mars au 16 juillet.

Collection printemps-été 2023

Le Fuji par temps clair ou « Fuji rouge », tiré de la Collection Trente-six vues du Mont Fuji

1830-1831 par Katsushika Hokusai

La Grande Vague de Kanagawa tiré de la Collection Trente-six vues du Mont Fuji

1830-1831 de Katsushika Hokusai

L’Orage sous le sommet tiré de la Collection Trente-six vues du mont Fuji

1830-1831 de Katsushika Hokusai

Ukiyo-e Archive UT

Les moineaux sous la neige et le camélia

1831-1833 de Utagawa Hiroshige I

Camelias à Ueno Shimotera dans la Capitale de l’Est tiré de la Collection Trente-six fleurs choisies

1866 de Utagawa Hiroshige II (Shigenobu)

Art japonais par le Boston Museum Furoshiki

Ces t-shirts UT, qui reprennent les représentations les plus emblématiques du Mont Fuji et celles de la Grande Vague de l’artiste japonais Hokusai, sont de retour dans notre nouvelle collection. Nous proposons également de nouveaux furoshiki fabriqués en polyester recyclé à 100 % à partir de bouteilles en plastique représentant « Les moineaux sous la neige et le camélia » de l’artiste japonais Utagawa Hiroshige I et « Camelias à Ueno Shimotera dans la Capitale de l’Est » de Utagawa Hiroshige II, issues de la collection du Musée des Beaux-Arts de Boston.

Le summum des arts graphiques

Il y a quelque temps, lorsque j’ai eu l’occasion de voir le mont Fuji au lever du jour, j’ai eu l’impression qu’Hokusai se tenait à mes côtés. À l’époque de la période Edo, où la communication orale était la règle, la vivacité de ces gravures témoignait de leur réalisme d’alors. Constitués de motifs basiques et souvent produits en masse, ces ukiyo-e ont conservé une étonnante capacité à synthétiser l’esprit du Japon de l’époque sans l’aide du langage. Je pense que le secret d’Hokusai réside dans sa touche extraordinairement douce et apaisante. Il était capable de transformer une simple vague en une image iconique, en jouant simplement avec les formes et les perspectives, d’une manière qui rappelle singulièrement le collage. Ces dessins fantastiques mettent en scène l’activité des gens de l’époque, qui est reproduite avec une vitalité exceptionnelle. On ne peut pas sous-estimer l’influence de cet artiste sur notre manière de regarder le monde.

『Hokusai’s Lost Manga』

Cette collection réunit des dessins d’inspiration très variée, des paysages de la période Edo aux créatures mythiques de l’époque. Elle est édité par Sarah Thompson, Conservatrice de l’art japonais au Musée des Beaux-Arts de Boston.

Kosuke Kawamura

Artiste

Directeur de la création UT. Né en 1979 dans la préfecture d’Hiroshima. Les créations en collage réalisées par Kosuke Kawamura ont été exposées à travers tout le Japon, mais aussi à l’étranger. Ses compositions variées sont destinées au graphisme et à la publicité de certaines marques. Elles servent aussi d’illustrations pour des ouvrages publiés en librairie, ou pour divers supports audio-visuels. Il a pris ses fonctions actuelles en 2022.

Directeur de la création UT. Né en 1979 dans la préfecture d’Hiroshima. Les créations en collage réalisées par Kosuke Kawamura ont été exposées à travers tout le Japon, mais aussi à l’étranger. Ses compositions variées sont destinées au graphisme et à la publicité de certaines marques. Elles servent aussi d’illustrations pour des ouvrages publiés en librairie, ou pour divers supports audio-visuels. Il a pris ses fonctions actuelles en 2022.

Photographie : Keisuke Fukamizu
Textes : Kosuke Ide
Remerciements particuliers à Sam Bett
Illustration : Yoshifumi Takeda

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